La société Uber France a récemment été attraite en justice, au civil et au pénal, pour des faits de travail dissimulé. Des chauffeurs Uber déposent également ce vendredi 14 avril des requêtes au Conseil de prud’hommes de Paris pour faire requalifier leur relation de travail en salariat.
Concrètement, il est reproché à Uber de ne pas considérer ses chauffeurs comme des salariés et donc de ne pas payer de cotisations sociales sur leurs salaires. Le manque à gagner est énorme pour le budget de la Sécurité sociale ; la société Uber, elle, risque un redressement de plusieurs millions d’euros. La requalification des relations de travail aurait également des conséquences financières lourdes.
1. Les enjeux de la taxation de l’économie « ubérisée »
Au-delà du cas particulier d’Uber, la question de la taxation de tout un nouveau pan de l’économie se pose. De nombreuses activités économiques échappent aujourd’hui à l’imposition et aux charges sociales : c’est le cas des locations AirBnB qui offrent un supplément de revenus non imposé, du système Blablacar qui propose un service non soumis à la TVA, aussi du site Leboncoin. De manière générale, tous les échanges fondés sur le troc, dans lesquels aucun flux financier n’existe ou n’est déclaré, font perdre à l’État des recettes de plus en plus importantes.
Il est permis de penser qu’il faut laisser cette nouvelle économie se développer librement, sans contrainte fiscale ou sociale, et que l’État n’est qu’un handicap à son essor. Mais c’est oublier que les impôts et la TVA qui ne sont pas payés, c’est du service public en moins : moins de profs devant les élèves, moins d’entretien des infrastructures publiques, moins de médecins dans les hôpitaux, moins de services à la personne. Par ailleurs, les charges sociales permettent de financer la Sécurité sociale : avec moins de cotisants le financement du système est mis en péril encore plus qu’il ne l’est déjà. Pour rappel, l’affiliation à la Sécurité sociale est obligatoire ainsi que la cotisation sur tous les revenus perçus, cela dans l’idée que chacun participe à hauteur de ses moyens et profite d’une couverture sociale selon ses besoins : c’est la solidarité nationale. Si l’on refuse de taxer ces nouvelles activités il faudra revenir sur la solidarité nationale que nous avons voulue et qui sera beaucoup trop chère pour nous. C’est donc devant l’hypothèse d’un changement de paradigme que nous nous trouvons.
Somme toute, il est impossible – et injuste ! – de ne pas soumettre ces nouvelles activités aux cotisations et à l’impôt. Mais comment taxer un échange d’une heure de cours de jardinage contre une heure de cours de cuisine ? Les nouvelles formes d’activités appellent donc une réflexion profonde et des évolutions de notre système fiscal et social. À mesure que l’économie ubérisée va croître la question se fera plus prégnante, et les solutions sont difficiles à trouver.
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