Que se passe-t-il dans la tête du Premier ministre ?
Ce midi nous avons eu la surprise de découvrir le nouvel engagement pris par Manuel Valls. Le voici résumé dans son tweet :
Or les élus locaux, qui sont amenés chaque jour à gérer des collectivités dans des conditions de plus en plus difficiles, se rappellent parfaitement de cette déclaration de novembre 2014 :
La question se pose donc de savoir ce qu’il peut bien se passer dans les hautes sphères du pouvoir central. Le Premier ministre admet en effet que l’investissement des collectivités locales est une très grande partie de l’investissement public en France (même plus que ce qu’il dit : près des trois quarts).
-> Les collectivités empruntent-elles inefficacement ?
En matière d’investissement public, les collectivités locales sont le seul organe public qui fonctionne : l’État n’investit plus. L’État n’emprunte plus que pour assurer son fonctionnement. L’État, qui emprunte pour les mauvaises raisons, se complaît donc dans la dénonciation des collectivités qui empruntent, mais elles pour de bonnes raisons. En effet, l’emprunt est tout à fait justifié dès lors qu’il sert à financer l’investissement, les grands équipements. La charge de la dette repose naturellement sur les générations futures qui jouiront des équipements que la dette a financés. Dans cette situation l’emprunt est utile et même indispensable. C’est ce que font les communes. L’État qui n’investit pas ne fait rien pour l’avenir du pays.
En somme, le pouvoir central, cancre du fond de la classe, ricane en pointant du doigt les bons élèves du premier rang qui font le boulot à sa place.
-> Les dotations, un cadeau consenti par l’État aux collectivités ?
Une précision s’impose également en matière de forme. Le gouvernement tente d’expliquer la baisse de la DGF (dotation globale de fonctionnement) par ce qu’elle serait un ‘cadeau’ fait aux collectivités et qu’en période de crise ce cadeau ne saurait être maintenu. En réalité, la DGF est un dû des collectivités. Elle résulte de ce que l’État a délégué des compétences qui lui appartenaient aux collectivités (écoles, crèches, routes…), avec les moyens financiers de les exercer. Aujourd’hui, l’État retire ces moyens aux collectivités sans diminuer leurs compétences ! Chacun comprendra que la situation n’est pas tenable.
-> La baisse du déficit public est-elle vraiment une victoire (du gouvernement) ?
Fort de son absence de reconnaissance de la bonne gestion et de l’investissement des collectivités, le pouvoir central a en plus l’audace de se gargariser de ‘ses’ bons chiffres en matière de baisse du déficit public. Le gouvernement a annoncé le 26 mars la baisse du déficit public en 2014, plus importante que prévu, qui a été de 4% au lieu de 4,4% du PIB. Or le gouvernement a omis d’évoquer deux points importants en analyse de cette donnée :
– si le déficit global a diminué, celui de l’État en particulier a augmenté (de près de 5 milliards d’euros entre 2013 et 2014). C’est le déficit des collectivités locales qui a diminué de moitié (de 8,5 milliards à 4,5 milliards). Dire donc que la baisse du déficit est le résultat de la bonne gestion des comptes par le gouvernement est faux : elle est due à la bonne gestion des collectivités.
– la diminution du déficit public – en réalité celui des collectivités – n’est pas pour autant une bonne nouvelle. Philippe Laurent, le Secrétaire général de l’AMF et maire de Sceaux, souligne dans son analyse de ces chiffres que le déficit des collectivités correspond au stock des dépenses d’investissement, à la différence de l’État. La baisse de 4 milliards d’euros du déficit public équivaut donc à autant d’argent en moins utilisé pour investir.
Somme toute, le gouvernement s’est donc auto-félicité d’une victoire qui n’est pas la sienne, a déroulé un discours hostile aux collectivités locales dans le même temps où il leur demandait des efforts considérables, et prétend maintenant aider les collectivités à investir juste après leur avoir ôté les moyens de le faire elles-mêmes.
-> Comment le gouvernement veut pousser les collectivités à augmenter les impôts
Derrière ses actes, les déclarations du gouvernement et notamment la défiance affichée à l’égard des collectivités sont aussi dommageables. On a le sentiment finalement que le gouvernement trouve dans les collectivités locales un bouc émissaire parfait. Les élus locaux seraient de mauvais gestionnaires, responsables de tous les maux du pays. On y verrait presque quelque jalousie, quand on sait que le maire et le Conseil municipal sont les institutions politiques les plus estimées par les Français alors que le gouvernement subit revers sur revers depuis 2012. Le changement de ton est donc urgent, et avec lui la fin d’un combat contre-productif. La solution viendra avant tout du local, et le pouvoir central ferait mieux d’aider les forces locales plutôt que de croire que son salut viendra d’ailleurs.
Le gouvernement se trouve être encore plus pervers que ce que son discours officiel laisse entendre. En effet, il prétend d’une part comprendre le ‘ras-le-bol fiscal’ des Français mais pousse d’autre part les collectivités à augmenter leurs impôts pour ne pas avoir à le faire lui-même. Cette attitude malhonnête naît de ce que le gouvernement brosse l’électeur dans le sens du poil en promettant de ne plus augmenter les impôts mais force les collectivités à augmenter leurs propres taux d’impôts en diminuant leurs autres sources de financement (comme la DGF). Fort heureusement, les Français sont moins crédules que le gouvernement et ils ne manquent pas une occasion de le lui rappeler dans les urnes.
Il est par conséquent urgent non seulement de rendre aux collectivités et aux élus qui les gèrent leurs lettres de noblesse, mais surtout de travailler avec eux de concert pour l’intérêt de la France.
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Retrouvez ici le Manifeste des maires lancé par Philippe Laurent pour attirer l’attention du public sur la situation des collectivités locales.
2 réflexions sur “Dotations des collectivités : quand le cancre se moque des bons élèves”