Les représentants de l’Association des Maires de France, menés par François Baroin et Philippe Laurent, ont rencontré aujourd’hui jeudi 28 mai le Premier ministre pour évoquer la baisse des dotations des collectivités territoriales décidée par le gouvernement.
Le Premier ministre s’était voulu rassurant il y a quelques semaines encore en rappelant que son gouvernement allait soutenir l’investissement des collectivités. Il est permis d’en douter lorsque l’on compare cette promesse à la diminution de 11 millards d’euros des dotations entre 2015 et 2017.
Le coup porté aux collectivités territoriales, et derrière elles aux Français qui bénéficient des services publics, est tellement dur qu’il pose une question : ce comportement du gouvernement est-il conforme à la Constitution ?
La Constitution prévoit dans son article 72 la libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil d’État en a fait une liberté fondamentale dans son célèbre arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2011. Un point intéressant vient : l’État respecte-t-il cette liberté d’administration des collectivités territoriales lorsqu’il organise la baisse de leurs moyens, qui a pour effet direct une diminution de leur autonomie ? En effet, lorsque le gouvernement baisse les dotations, il oblige les collectivités soit à baisser la qualité du service public, soit à augmenter les impôts locaux. On met donc la tête des collectivités entre le marteau et l’enclume en les forçant à faire un choix qui, quoi qu’il donne, ne plaira pas aux Français (cela évite à un gouvernement déjà impopulaire d’assumer le prix de ses erreurs). Or cette situation revient précisément à limiter la libre administration des collectivités, puisque celles-ci se font confisquer les moyens de s’auto-administrer.
Le Conseil constitutionnel lui-même apporte des arguments à cette thèse. Dans une décision DC n°90-277 du 25 juillet 1990, il estime en substance que la loi, même si elle encadre l’exercice de leurs compétences par les collectivités, ne doit pas prévoir des dispositions qui entravent finalement la libre administration des collectivités. En l’espèce, la loi de finances qui prévoit dans ses dispositions une telle cure d’amaigrissement aux collectivités entrave in fine leurs possibilités.
Dans une autre décision (DC n°92-316 du 20 janvier 1993), le Conseil constitutionnel rappelle que les lois doivent préserver une marge d’appréciation suffisante, et suffisamment effective pour que ne soit pas méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales. Là encore, il est permis de douter que la marge d’appréciation laissée aux collectivités par les baisses de dotations leur permette encore d’opérer leurs propres choix.
Tout se joue donc comme si le gouvernement voulait contraindre les collectivités à faire les efforts que lui ne veut pas faire. Mais à être trop pressé de se débarrasser des problèmes, le gouvernement pourrait bien être en train de préparer la tempête qui le balaiera.