Licences de taxis : la situation n’est pas celle qu’ils veulent vous faire croire 

Dans le conflit qui oppose depuis hier les taxis aux VTC – et, disons-le, au monde réel – toutes les données n’ont pas été communiquées au grand public. J’ai en effet discuté avec nombre de personnes qui m’ont expliqué que la situation des taxis devait être très difficile en raison du prix de la licence qui leur était imposé par l’État, qui à croire les taxis est prohibitif et justifie de faire interdire les VTC qui n’ont pas à en obtenir. Seulement voilà : les licences de taxis sont délivrées gratuitement par l’État.

La licence de taxi, qui s’appelle en réalité « autorisation de stationnement », s’obtient de deux manières.

  • La licence de taxi s’obtient gratuitement auprès du service public, le maire de la commune ou la Préfecture de police pour Paris. L’inscription sur les listes est le début d’une attente très longue ; on obtient en général sa licence (gratuite donc) au bout de 15 à 20 ans. Chacun comprend que la licence délivrée gratuitement est un danger pour la situation monopolistique des taxis : plus de licences en circulation c’est plus de taxis donc plus de concurrence. Les taxis ont donc eux-mêmes amené l’État à fixer un numerus clausus, c’est-à-dire à limiter très fortement le nombre de licences délivrées chaque année. L’obtention d’une licence gratuite relevant donc du miracle, la plupart des obtentions se font à titre payant.
  • La licence de taxi s’obtient auprès d’un taxi qui la cède. C’est là que la spéculation s’organise : les taxis se revendent entre eux les licences à des prix prohibitifs. Les abus sont des plus nombreux. On peut par exemple obtenir gratuitement la licence dans une petite commune qui n’a pas besoin de taxi (donc délai plus court), puis au lieu d’exploiter la licence on crée une société par laquelle on loue cette licence. L’activité devient encore plus rentable quand l’on revend cette société… Sachant que la licence vaut environ 240 000 euros à Paris et pas moins de 80 000 à 100 000 euros dans le reste du pays. Mieux, il y a même des taxis qui disposent déjà de licences mais qui sont encore sur file d’attente pour en obtenir d’autres : cela permet de les revendre ou de les louer ensuite au prix fort à quelqu’un qui n’en a pas…

Les licences de taxis s’obtenaient en principe gratuitement jusqu’à ce que les taxis eux-mêmes demandent à ce que la pratique soit limitée. Cela leur a permis d’installer un commerce lucratif, dont ils se plaignent maintenant ! En réalité les taxis sont simplement victimes d’eux-mêmes, de professionnels peu scrupuleux.

Il faut relever en outre une réforme qui ne va rien arranger. Les licences acquises depuis le 1er octobre 2014 ne sont plus cessibles ; seules le restent celles délivrées avant cette date. Mécaniquement, la demande va devenir croissante sur un nombre stagnant de licences cessibles, ce qui va encore faire augmenter la spéculation, donc les prix.

On comprend d’autant moins maintenant le ‘combat’ des taxis – d’ailleurs fort peu propice à leur rapporter la clientèle qu’ils désirent – lorsqu’on sait qu’ils se sont mis seuls dans ces difficultés, en le demandant en plus. Les situations monopolistiques sont très nombreuses dans notre pays (notaires, pharmaciens, vétérinaires, et même les coiffeurs, etc.) mais les taxis sont bien ceux qui posent le plus de problèmes. Or casser un monopole est bénéfique pour le consommateur : c’est ce qu’il s’est passé avec l’arrivée de Free sur le marché de la téléphone mobile qui a permis de baisser de manière significative l’ensemble des tarifs.

On voit donc mal pourquoi le monopole des taxis devrait perdurer, surtout que ce n’est dans l’intérêt ni du public ni des taxis eux-mêmes qui souffrent d’une spéculation importante.

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