Les attentas du vendredi 13 novembre ont fait des centaines de victimes, décédées, blessées. La jeunesse parisienne était particulièrement visée, heureuse et insouciante le vendredi soir. Derrière les symboles ciblés c’était bien notre bonheur que les barbares ont voulu toucher. Et derrière la jeunesse ciblée, ce sont nos enfants qui ont été atteints.
Ce samedi soir, alors que nous dinions, une fillette de six ans présente à table tint les propos suivants : « Le monsieur, il s’est fait sauter pendant le spectacle. Il y a eu au moins 2 000 morts ». Elle nous regardait avec ses grands yeux remplis d’incompréhension, et de peur. Elle nous regardait, nous les adultes, en attendant qu’on lui explique pourquoi. Qu’on lui dise comment un ‘monsieur’ pouvait ainsi massacrer des gens. Elle mélangeait les informations et ne comprenait pas la portée du drame mais elle comprenait qu’elle avait peur. Nous nous regardions, l’air désespéré, désarmés et impuissants, dévastés que notre monde l’effraie à ce point. Comment rassurer cette enfant alors que nous-mêmes tremblions, quoi qu’on ait laissé paraître ?
Le plus terrible, outre l’horreur de ce vendredi soir, ce sont ces traces qui resteront sur les plus jeunes d’entre nous. Quand ces atrocités d’adultes s’invitent dans le jardin d’enfants, c’est toute une génération qui se trouve brisée. Une génération à qui des fous inhumains volent son avenir et probablement celui de ses futurs enfants. Les enfants des armes sont les héritiers de la guerre.
En écoutant cette petite nous montrer sa peur sans pouvoir se contenir, et sans même en avoir conscience, je me suis dit qu’il n’y avait pas pire que sa terreur. Et puis ce soir j’ai compris qu’il y avait plus regrettable que la peur d’un enfant face aux attentats : il y a l’indifférence des enfants qui y sont trop habitués.
Ce soir je comprends qu’il est déjà trop tard pour de nombreux enfants. En classe ce matin, au moment de parler des attentats, certains se sont surtout interrogés sur le point de savoir quand reviendrait leur émission du samedi soir, annulée cette fois-ci. Peu de compassion pour les victimes, pas de peur, pas de questions. Cela parce que ces enfants Français sont aussi à leur manière des enfants de la guerre : ils voient des attentats toutes les semaines à la télévision, ils sont tellement souvent sensibilisés à ces images qu’ils y deviennent insensibles. Ils ont peu de notions de géographie, si bien que pour ceux qui n’ont jamais mis les pieds à Paris, la capitale française se situe à une distance aussi lointaine que la Syrie, l’Irak, le Liban.
Cette situation est presque plus dramatique que la précédente. Des centaines de milliers d’enfants naissent et vivent en ce moment dans les pays cités juste ici ; leurs vies leur sont arrachées dès le plus jeune âge par des hommes qui les salissent par leurs ignominies. À écouter ces petits Français ce matin, ce drame est en train de naître dans nos écoles alors qu’on les en croyait protégées.
Nous les adultes exprimons notre douleur, notre solidarité et notre unité face à ces actes abjectes. N’oublions pas que nos enfants en sont moins capables ; ils sont des victimes infiniment plus fragiles. Plus que jamais, n’abandonnons pas notre jeunesse derrière nous, livrée à elle-même face à des horreurs qu’elle ne peut pas surmonter seule.
Une réflexion sur “Paris, paroles d’enfants”